• Kult

    Kult advertising


        Changement de style, d'illustrateur et de lieu. Voilà la France, Cazaoff et Exxos! (pour ceux du fond qui n'ont pas suivi, nous étions précédemment dans la période Tim White, étalée sur cinq articles [1] [2] [3] [4] [5]).


    Plaidoirie pour l'amour, la gloire et la beauté.

        Voilà aussi une question que je ne peux plus repousser.
    Quand la publicité est quasiment centrée en totalité sur l'illustration, comment valoriser l'ensemble autrement qu'en dissertant sur le dessin en lui-même et le style de l'artiste?
    Et dans ce cas, comment réussir ce tour de force avec des capacités très limitées dans le domaine? Autrement dit, comment le néophyte incapable de crayonner quelque chose de correct pourrait analyser le travail d'un professionnel, réputé qui plus est?

        L'affaire se corse même, à entendre le dramaturge Roger Planchon: "L'art devient intéressant quand on en comprend les règles, <...> comme pour le foot."
    Pas de notion des règles, pas d'intérêt?


    Pour défendre notre cause, amenons notre avocat (Apollo Justice @2007-2008 Capcom) à la barre:

    Apollo Justice @2007-2008 Capcom
    "Mon client ne prétend pas faire oeuvre de critique sur les illustrations, mais propose un mélange entre l'analyse purement technique de la cohérence, de la pertinence du matériel commercial (publicité et jaquette), pris comme un tout, et un billet d'humeur, un ressenti purement subjectif, sur le travail de l'artiste." (...c'est les avocats, ça... les phrases sont toujours un peu longues...).

    Apollo Justice @2007-2008 Capcom
    "Deuxième point!  N'est-ce pas justement le but avoué, recherché, de tout matériel publicitaire que provoquer un attrait immédiat du client potentiel pour le produit? N'est-ce pas la quintessence de l'exercice que d'accrocher le regard du plus grand nombre? Et croyez le ou non, mais le plus grand nombre ne comprend pas les règles!"

    Apollo Justice @2007-2008 Capcom
    "J'entends quelqu'un marmonner son scepticisme sur la valeur d'art ici? Déjà, marmonner au tribunal n'est pas une pratique recevable. Ensuite, à partir du moment où ce matériel est techniquement inutile à la bonne marche mécanique du produit, la question d'art, trop subjective, ne se pose plus."

    Apollo Justice @2007-2008 Capcom
    "Continuons! Regardez notre artiste. Un dessinateur de BD, un illustrateur de livre de poche, qui plus est de SF, mes amis! N'est-ce pas la preuve flagrante de son attachement au côté populaire de son art et à son désir d'être accessible à tous?"


    "Finalement, et ce sera ma conclusion, quand on remarque à quel point nos spécialistes des règles se focalisent sur la technique et les quelques erreurs qui ont pu s'y glisser subrepticement, on préférera faire preuve de sagesse, c'est à dire d'ignorance. Merci."



        Il a raison, le bougre: je laisse délibérement de côté les règles du dessin, les perspectives, les à-plats de couleurs, etc. mais l'art de Caza -pardon, Philippe Cazaumayou- parvient pourtant à hisser très haut ses couleurs; et exprimer cet impact par un point de vue de joueur, de cible marketing, au travers d'un ressenti, d'une émotion, devient alors porteur de sens.
    Parce que c'est bien de ca que l'on cause ici: de publicités, couvertures, illustrations, artistes qui ont trouvé un écho, une brèche dans notre cervelle pour s'imprimer.
    Alors point de critique maitrisée et académique, mais une approche personnelle exposant les motifs des ces émois.
    Puisse-t-elle trouver aussi écho en vous!


        Et hop! En un paragraphe, le pardon est accordé par avance (mieux qu'à confesse!) ainsi que la crédibilité du client final pour un jugement implacable. 
    Malheureusement pour Caza, je ne pourrais pas être implacable, car il a su, depuis longtemps, toucher mon coeur.
    Un de mes tout premiers souvenirs d'une lecture SF, c'est avec "L'Hôpital des étoiles", de James White (Le Masque SF). Et ce souvenir, c'est l'illustration de Caza qui l'a fabriqué à pleines mains.

    L'hopital des etoiles



    Delirium organisé.

        Au passage, un rappel, en faisant très court: Les sociétés ERE Informatique, Exxos, Cryo, c'est tout pareil. C'est donc la deuxième publicité de la bande à Philippe Ulrich (fondateur de ERE en 1981) a avoir l'honneur d'une chronique.
    ** petite musique de fond, en boucle: ... Ulrich, ERE, Exxos... Teenage Queen, Captain Blood... Extase, Dune... **

    Kult advertising (2 pages)


        Détaillons d'abord la stratégie d'ERE pour valoriser le jeu et le dessin.
    Que ce soit sur la publicité étalée sur deux pages ou celle restreinte à une seule, les effets de manche sont les mêmes: l'illustration prend la totalité de l'espace disponible, sans aucune marge, cadre, séparation, contrairement à ce que fait Psygnosis par exemple. Les captures d'écran sont ainsi posées par-dessus, sans pour autant masquer d'éléments essentiels et ressortent bien. La mise en page reste un modèle de clarté, et propose aussi les références de l'éditeur, le logo du développeur, les machines ciblées et le titre.

        Notons que le titre participe au moins autant que la créature principale à l'ambiance générale, avec une calligraphie imposante et subtilement travaillée en rupture d'angles.  Exxos l'a heureusement raccourci pour augmenter son impact, l'original étant "Kult: The Temple of Flying Saucers"! La couleur rouge explose en haut et rappelle le sol du bas. Comme souvent, quand le titre est travaillé, un illustrateur n'est pas loin: c'est encore le cas ici, Caza ayant confirmé être aussi l'auteur de ce logo.
    La mention spéciale revient enfin au texte qui accompagne la publicité, ainsi que celui présent dans les documentations fournies. Morceaux choisis:
    • "Exxos is good for you!"
    • "Ata ata hoglo hulu"
    • "Avertissement. Sa Haute Rapacité SYNAPZ NODUL NAZ IV, dans un accès de folle générosité, consent, par la présente, à la diffusion du document dit 'KULT'. Et ce en raison de son caractère nuisible. La Direction vous rappelle à toutes fins utiles que toute pensée sera sévèrement notée."
    • "Oui, Fidels Servitors d'Exxos Inc. vous offre dès aujourd'hui et en exclusivité une fabuleuse simulation holographique du cordon cervikal de qui vous savez!"

        La version en deux pages permet de voir quasiment tout le dessin original, deux fois plus de captures d'écrans et concentre encore plus l'attention sur la créature du fait de l'espace créé autour d'elle.

    Kult cover amiga eu
    Jaquette Amiga (France)
        ERE a fait un travail impeccable et le reproduit a l'identique sur la jaquette Européenne. Voyons donc de plus prêt à quels vices s'adonnent notre illustrateur.


    Traitons du trait.


    Kult drawing

    Double page du livre "L'oeil du Dragon" aux éditions "La Sirène"
    Avec l'aimable autorisation de l'auteur

        L'illustration débarrassée de ses atours mercantiles est tirée du recueil "L'oeil du Dragon" aux éditions La Sirène, dédiée à Caza.
    Pour celui qui a remarqué depuis déjà un temps cette signature, une évidence s'impose: quand Caza sévit, on reconnait son trait sans doute aucun. Il est ici aussi présent qu'a l'accoutumé. Alors bien sûr, un artiste ne cesse d'évoluer et il ne fait pas exception à la règle, mais depuis qu'il a abandonné le pointillisme noir et blanc de ses débuts et la thématique de l'habitant moderne moyen, l'évolution devient un perfectionnement, loin de brusques changements. De plus, illustrer un jeu vidéo est différent d'un livre de SF: il existe déjà un visuel, des couleurs, un style graphique. Caza s'est effectivement inspiré du travail déjà réalisé par le graphiste de Kult, Michel Rho, ce qui explique le choix des couleurs et les similitudes dans les décors.


    Kult esquisse 1 Kult esquisse 2 Kult esquisse 3
    Esquisse 1 Esquisse 2 Esquisse 3
    publié dans le livre "L'oeil du Dragon" aux éditions "La Sirène"
    Avec l'aimable autorisation de l'auteur

        Son site officiel (http://www.noosfere.org/caza/accueil.html) présente au gré des pages beaucoup d'autres illustrations.

        Allez, il est temps maintenant: écoutons notre créature. Peut-être a-t-elle elle-même un point de vue sur le style de notre artiste, qui sait?

    ...
    ....
    .....
    ........
    ............
    Me voilà enfin tiré de ma torpeur millénaire... Je me relève de la fange et sort péniblement de la crypte tortueuse et labyrinthique de ce temple abandonné.

    Des éons de cécité et de silence. La lumière faiblarde mais bien présente baigne mon corps.
    Mon corps, ma peau... Je ne la reconnais plus.
    Je tâte un relief omniprésent, une multitude de détails, d'aspérités qui font ressortirent un peu partout mon corps bosselé, modelé par le temps.
    Le travail des ans est précis, net, quasi géométrique.

    Les ombres et la lumière courent sur mes bras, mon torse... s'infiltrent dans mes rides et soulignent, amplifient chaque mouvement de mes muscles.
    Je reprends petit à petit ma consistance, ma chair.

    Ma peau encore... Quel grain particulier! J'ai l'impression de voir et de toucher du plastique, de la pierre ou du métal. Et ces formes rondes, ces inclusions courbes au milieu de ces traits rectilignes... Est-ce un corps organique, technologique ou un mélange des deux?
    De fait, je me sens lourd, pataud, presque immobile. Ce grain de peau pierreux me fige dans la scène et expose mon être au regard d'autrui, dans une pose, une figure imposée.
    Heureusement ma vision s'éclaircit petit à petit et je ne ressens rien d'inutile, rien de fouillis. Sur moi et autour de moi tout est utile, précis, achevé, travaillé.

    Je discerne aussi une créature minuscule devant moi qui m'éclaire le chemin d'un bâton lumineux. Curieuse créature, au port élancée, à la pose aussi figée et théâtrale que la mienne. Ai-je aussi un port identique, menaçant, presque hautain? Suis-je aussi effrayant d'assurance et de beauté étrange qu'elle? Je ne partage en tout cas pas sa sensualité et ses courbes fines.

    Son bâton éclaire une pièce imposante, tout en dessin, détail et relief, comme moi. Pour la première fois, l'intensité de couleurs présentes s'impose ici à mon regard. Du vert, partout, du rouge, du bleu, du marron. Quelle débauche inattendue! Tout se détache, tout attire maintenant mes yeux grands ouverts, accoutumés à cet éclat.


    Kult game 1 Kult game 2


    Et l'être minuscule m'envoie maintenant des signaux, des images de scènes d'un autre lieu? Le décor est identique, les mêmes couleurs se retrouvent là-bas, les mêmes textures. Essaie-t-il de communiquer?

    Kult game 3 Kult game 4
    ............
    ........
    .....
    ....
    ...


    L'Estranger n'a pas de chance.

    Kult cover amiga us

    Jaquette Amiga (usa)

        Ou du moins pas la même chance. En effet, la couverture pour les US diffère encore une fois sensiblement du packaging EU. L'impact de la couverture de Caza est a mon gout beaucoup plus important et les US ont perdu une occasion d'apprécier l'une de nos gloires nationales.
    Et comme on ne fait pas les choses à moitié, on change aussi totalement le titre, hein?
    Kult: The Temple of Flying Saucers (EU/1989)
    Chamber Of The Sci-Mutant Priestess (US/1990)
    Bon, notez que le titre original est quand même bien tordu et que celui des US est plus racoleur.

    Kult title fr
    Ecran titre (eu)

    Kult title usa
    Ecran titre (usa)


        Terminons par le moins inspiré, à savoir la jaquette de la version Amiga budget publiée au Royaume-Uni.

    Kult cover dos budget
    Jaquette Amiga (budget / uk)


    Jeu: Kult: The Temple of Flying Saucers (EU) / Chamber Of The Sci-Mutant Priestess (US).
    Illustration: Philippe "Caza" Cazaumayouoff (EU).
    Lettrage: Philippe "Caza" Cazaumayouoff (EU).
    Editeur: ERE Informatique (Infogrames) (EU) / Draconian (Data East) (US).
    Développeur: Exxos (ERE Informatique).
    Plateformes: Amiga, Atari ST, DOS.
    Date: 1989.
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  • Commentaires

    1
    Vendredi 3 Décembre 2010 à 08:45
    this blog very helpful to everyone,I like so much
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